L'Oeuvre by Émile Zola

L'Oeuvre by Émile Zola

Auteur:Émile Zola [Zola, Émile]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2010-06-20T04:00:00+00:00


VIII

Enfin, Christine donna un dernier coup de plumeau, et ils furent installés. Cet atelier de la rue de Douai, petit et incommode, était accompagné seulement d’une étroite chambre et d’une cuisine grande comme une armoire : il fallait manger dans l’atelier, le ménage y vivait, avec l’enfant toujours en travers des jambes. Et elle avait eu bien du mal à tirer parti de leurs quatre meubles, car elle voulait éviter la dépense. Pourtant, elle dut acheter un vieux lit d’occasion, elle céda même au besoin luxueux d’avoir des rideaux de mousseline blanche, à sept sous le mètre. Dès lors, ce trou lui parut charmant, elle se mit à le tenir sur un pied de propreté bourgeoise, ayant résolu de faire tout en personne et de se passer de servante, pour ne pas trop changer leur vie, qui allait être difficile.

Claude vécut ces premiers mois dans une excitation croissante. Les courses au milieu des rues tumultueuses, les visites chez les camarades, enfiévrées de discussions, toutes les colères, toutes les idées chaudes qu’il rapportait ainsi du dehors, le faisaient se passionner à voix haute, jusque dans son sommeil. Paris l’avait repris aux moelles, violemment ; et, en pleine flambée de cette fournaise, c’était une seconde jeunesse, un enthousiasme et une ambition à désirer tout voir, tout faire, tout conquérir. Jamais il ne s’était senti une telle rage de travail, ni un tel espoir, comme s’il lui avait suffi d’étendre la main, pour créer les chefs-d’œuvre qui le mettraient à son rang, au premier. Quand il traversait Paris, il découvrait des tableaux partout ; la ville entière, avec ses rues, ses carrefours, ses ponts, ses horizons vivants, se déroulait en fresques immenses, qu’il jugeait toujours trop petites, pris de l’ivresse des besognes colossales. Et il rentrait frémissant, le crâne bouillonnant de projets, jetant des croquis sur des bouts de papier, le soir, à la lampe, sans pouvoir décider par où il entamerait la série des grandes pages qu’il rêvait.

Un obstacle sérieux lui vint de la petitesse de son atelier. S’il avait eu seulement l’ancien comble du quai de Bourbon, ou bien même la vaste salle à manger de Bennecourt ! Mais que faire, dans cette pièce en longueur, un couloir, que le propriétaire avait l’effronterie de louer quatre cents francs à des peintres, après l’avoir couvert d’un vitrage ? Et le pis était que ce vitrage, tourné au nord, resserré entre deux murailles hautes, ne laissait tomber qu’une lumière verdâtre de cave. Il dut donc remettre à plus tard ses grandes ambitions, il résolut de s’attaquer d’abord à des toiles moyennes, en se disant que la dimension des œuvres ne fait point le génie.

Le moment lui paraissait si bon pour le succès d’un artiste brave, qui apporterait enfin une note d’originalité et de franchise, dans la débâcle des vieilles écoles ! Déjà, les formules de la veille se trouvaient ébranlées, Delacroix était mort sans élèves, Courbet avait à peine derrière lui quelques imitateurs maladroits ; leurs chefs-d’œuvre n’allaient plus être que des morceaux



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.